La déficience intellectuelle

Publié le 23 novembre 2023 à 20:13

La déficience intellectuelle

La déficience intellectuelle, définition :

La déficience intellectuelle est un trouble du neurodéveloppement, d’origines diverses, qui se différencie de l’autisme et de la maladie mentale. Certaines personnes peuvent présenter des troubles du spectre de l’autisme ou une maladie mentale, la déficience intellectuelle rendant le diagnostic difficile à poser. Aujourd’hui un dépistage prénatal ou néonatal systématique est pratiqué afin d’identifier certaines anomalies génétiques ou certaines maladies rares et prévenir ainsi des complications importantes. La fiabilité de ces tests est variable. Par exemple, les tests de dépistage de la trisomie 21 s’appuient sur un calcul de probabilité ne permettant pas de savoir avec certitude si le fœtus est porteur ou non de la trisomie 21.

La déficience intellectuelle désigne une limitation significative, persistante et durable des fonctions et des capacités intellectuelles d’un sujet. Selon le dictionnaire étymologique de la langue française, le mot déficience a été formé tardivement, peut-être d’après le bas latin déficientia. L’adjectif déficient est emprunté au latin déficiens « manquant », participe présent de déficere « manquer », également racine de « déficit ». Roger Perron[1], psychologue clinicien et psychanalyste, s’interroge sur ce manque. Pour lui ce qui manque c’est ce qui fait défaut, « défaut » renvoyant étymologiquement à la fois à une insuffisance et à une faute morale. Le déficit renvoie au manque de pouvoirs, à l’insuffisance, au manque de valeur, à la faute condamnable. Les accompagnants doivent être vigilants à ne pas confondre les conséquences de la déficience intellectuelle avec des traits de caractère. Ainsi, peut-on accuser une personne de mauvaise volonté, alors que la déficience fait qu’elle n’a pas compris ce qu’on lui demandait.

Pour Wood[2] « la déficience est une anomalie de la structure ou de l’apparence du corps et du fonctionnement d’un organe ou d’un système, quelle qu’en soit la cause ». Le concept de déficience intellectuelle est proche de celui de déficience mentale qui regroupe l'ensemble des affections qui empêchent l'accès de l'enfant ou de l’adulte à l'autonomie et à l'adaptation sociale. Il faut distinguer la déficience intellectuelle de la maladie mentale qui elle, affecte le comportement et l'affectif, sans lien avec le fonctionnement intellectuel de la personne. On dit de cette personne qu'elle est : «  tellement absorbée par son bouleversement interne qu'il lui est impossible d'utiliser de façon efficace ses ressources intellectuelles (…) qu'elle ne peut pas s'en servir pour le moment[3] ». Pour sa part, la déficience intellectuelle débute avant l'âge de 18 ans. Elle peut se définir comme la réduction du fonctionnement de l’intelligence et du comportement adaptatif, l’intelligence représentant « la faculté de comprendre et de saisir par la pensée le monde et les concepts qui nous entourent de même que les fonctions mentales qui permettent cette connaissance[4].», le comportement adaptatif regroupant les réactions d’un individu face à son milieu de vie et aux situations qui s’y produisent. L’Organisation mondiale de la santé (OMS[5]) classifie ainsi les déficiences :

- le retard mental profond et sévère comprend les personnes susceptibles au plus d’un apprentissage systématique des gestes simples ;

- le retard moyen comprend les personnes pouvant acquérir des notions simples de communication, des habitudes d’hygiène et de sécurité élémentaires, et d’une habileté manuelle simple, mais qui semblent ne pouvoir acquérir aucune notion d’arithmétique ou de lecture ;

- le retard mental léger comprend les personnes pouvant acquérir des aptitudes pratiques et la lecture ainsi que des notions d’arithmétique grâce à une éducation spécialisée.

Selon Vincent Des portes et Delphine Héron[6] la déficience intellectuelle entraîne un déficit de la mémoire de travail, de l’inhibition qui bloque une réponse automatique non pertinente, de la flexibilité mentale qui permet de changer d’idée ou de façon de faire, de la planification. Elle altère également l’efficacité du traitement de l’information dans l’organisation d’une activité et finalement dans les compétences socio-adaptatives. Par contre, la mémorisation de localisations spatiales est meilleure, et la mémoire implicite issue de l’utilisation d’apprentissages non conscients est souvent préservée. Ces déficits entraînent des difficultés à raisonner, à catégoriser, à faire des hypothèses, à prendre des décisions, à porter un jugement. Le fonctionnement mental de ces personnes est plus altéré, dévié, que retardé. Des solutions, des aménagements peuvent être pensés pour que les personnes avec une déficience intellectuelle puissent accéder aux apprentissages. Par exemple en découpant les tâches en séquences, en adaptant l’environnement, etc. Les personnes avec une déficience intellectuelle peuvent trouver elles-mêmes des solutions pour contourner les obstacles créés par la déficience et développer de nouvelles compétences. Pour preuve, cette personne ne sachant ni lire, ni écrire, ni compter, mais en capacité de se déplacer dans une grande ville sans problème. Elle connaissait la majorité des lignes de bus et de métro de la cité. Ses éducateurs supposaient qu’elle photographiait mentalement les numéros des bus et associait ces images à un trajet. Sans doute, avait-elle trouvé le moyen d’assouvir son désir de déplacement et d’indépendance, la motivation étant un moteur important des apprentissages.

La notion de retard mental

La psychologie du développement[7] se réfère à la notion de retard mental. La déficience intellectuelle étant considérée comme le résultat d’un ralentissement du développement. Le retard mental se définit alors par une moindre efficience de la personne en comparaison aux personnes du même âge chronologique et par l’altération du comportement adaptatif (communication, indépendance personnelle, aptitudes sociales). Paour[8] considère que le retard mental est le produit d’un développement, « c'est-à-dire que les processus psychologiques restent les derniers maillons explicatifs de l’effet final de retard [9]». Les travaux récents sur le handicap mental ont abouti à élaborer deux théories.

La théorie déficitaire, qui s’appuie sur la psychologie cognitive, postule que les traitements cognitifs sont plus lents et portent sur une moindre quantité d’information chez l’enfant avec handicap, que chez l’enfant sans handicap. Cette théorie, très critiquée, a évolué vers le déficit métacognitif dont les hypothèses s’énoncent en termes de différence de hiérarchisation, de déficit de l’attention et des connaissances, de vitesse d’exécution inadéquate facilitant l’oubli, d’inadéquation des motivations.

La théorie du retard affirme, quant à elle, que l’accroissement du retard au fil des âges aboutit à un arrêt prématuré du développement. Les différences entre retardés et normaux du même âge sont de même nature qu’entre normaux d’âge différent et qu’à même niveau de développement, les personnes retardées disposent des mêmes capacités que les non-retardés, mais ne les mettent pas en œuvre aussi efficacement. L’étude du retard a permis de lister six caractéristiques du développement de l’enfant présentant des incapacités intellectuelles :

- le retard se manifeste par la différence de vitesse d’évolution des conduites ;

- les courbes de développement de l’enfant ordinaire et de l’enfant retardé s’écartent progressivement ;

- chaque âge se caractérise par une moindre efficience de l’enfant retardé ;

- le développement n’est pas régulier, il y a des fixations anormalement longues à certains niveaux de développement ;

- ralentissement prématuré des vitesses de développement ;

- arrêt prématuré du développement.

Finalement la notion de déficience intellectuelle n’existe pas en soi, il faut plutôt évoquer « les déficiences », dont les origines sont multiples et dont les conséquences se conjuguent avec la singularité de chaque sujet.

Le quotient intellectuel

Il existe des niveaux de déficience intellectuelle déterminés par des tests donnant un quotient intellectuel.  Ce sont Alfred Binet et Théodore Simon qui ont élaboré en 1905  une série d’échelles graduées en âges mentaux. L’objectif étant de situer un individu, dans l’ensemble de la population dont il est issu, selon son âge. Par exemple l’intelligence d’un enfant est dite de 8 ans si sa performance correspond à la performance moyenne des enfants de 8 ans. Si cet enfant est âgé de 10 ans, il est légèrement en retard, s’il est âgé de 12 ans il est beaucoup plus en retard. William Stern inventera le quotient intellectuel (QI) en divisant l’âge mental par l’âge réel. Cependant certains auteurs, comme Roger Perron[10] , dénoncent le côté réducteur du QI qui selon eux, ne peut pas être une mesure « absolue » de l’intelligence, car celle-ci comme l’a montré Jean Piaget[11] est complexe et se construit progressivement. Le QI mesure à un moment donné les acquisitions et les conduites adaptatives qu’un individu a accumulées. Ces auteurs remettent en cause les réductionnismes qui déterminent l’origine des déficiences, soit dans des facteurs biologiques, soit dans des facteurs sociologiques, soit dans des facteurs psychogénétiques et défendent une conception multifactorielle qui postule qu’il n’y a pas une classe des arriérations, mais des évolutions déficitaires de natures très diverses : « tout état déficitaire est considéré comme une structure historiquement construite[12] ». Cette conception met l’accent sur l’énergie du sujet et son désir de vivre.

Le QI pourrait faire croire que la déficience intellectuelle est un simple manque d’intelligence alors que le fonctionnement intellectuel des personnes présentant des déficiences obéit à des modalités particulières encore peu étudiées. Dans notre expérience quotidienne d’éducateur spécialisé nous pouvons témoigner des compétences qu’élaborent certaines personnes pour combler leurs manques. Par exemple, celles qui se repèrent et se déplacent aisément dans une grande ville sans savoir lire, celles qui se font comprendre malgré leurs troubles du langage, celles qui après des années de vie en collectivité accèdent enfin à un logement indépendant, celles qui utilisent un ordinateur, une tablette, Internet, etc. La déficience intellectuelle n’est pas un état synonyme d’immobilisme. Des apprentissages sont possibles et les personnes avec un handicap mental peuvent montrer des compétences et des adaptations dans de nombreux domaines.  Elles se présentent ainsi comme « autrement capables » selon la formule d’Éric Plaisance[13].

Étiologies

Une déficience intellectuelle peut provenir d’anomalies de formation du cerveau, de la destruction d’un cerveau normal par des facteurs externes ou internes ou d’une stimulation insuffisante de son développement. Même si l’origine d’une déficience intellectuelle est souvent incertaine et que dans environ 40% des cas les causes sont inconnues[14],  il existe des causes connues :

- les causes génétiques sont présentes avant la formation de l’individu, au niveau des cellules reproductrices paternelles et maternelles (trisomie 21 par exemple) ;

- les causes prénatales surviennent pendant la grossesse et affectent le développement de l’embryon et du fœtus. Elles sont dues à des affections contractées par la mère ou à l’effet de certaines substances comme l’alcool ;

- les causes périnatales regroupent les problèmes qui surviennent entre l’accouchement et le 28ème jour de vie du bébé (traumatisme obstétrical, infections) ;

- les causes postnatales surviennent après le premier mois de vie. Ce sont les infections (méningites, encéphalites), les intoxications chroniques, les accidents (traumatismes crâniens, quasi-noyade), des formes particulières d’épilepsie. Ce sont aussi les problèmes psychosociaux qui s’accompagnent de carences graves de la stimulation ou de maltraitance.

Conséquences dans la vie quotidienne

La déficience intellectuelle altère plusieurs fonctions chez les personnes qui en sont atteintes et les fragilise. Ces personnes comprennent mal le monde dans lequel elles vivent ;  elles n’ont que très peu accès à l’abstraction, à certains raisonnements logiques ; elles ont de la peine à penser, à s’exprimer ; elles n’ont que peu accès à la lecture, à l’écriture et donc peu la possibilité de connaître leurs droits et de les revendiquer. Comme nous l’avons déjà évoqué, selon Roger Perron[15], ce qui manque c’est ce qui fait défaut, « défaut » renvoyant étymologiquement à la fois à une insuffisance et à une faute morale. Le déficit renvoie dans les représentations sociales, au manque de pouvoir, à l’insuffisance, au manque de valeur, à la faute condamnable, voire à la bêtise, l’idiotie, l’imbécillité, etc. Dans le pire des cas, certaines incapacités sont assimilées à des traits de caractère négatifs et dévalorisants comme la fainéantise, l’agressivité, la mauvaise foi, etc., alors que la personne n’a pas compris ce qu’on lui demande, s’agite car son interlocuteur n’arrive pas à la comprendre, ou est très angoissée par un évènement qui paraît anodin pour l’entourage, etc.

Les effets de la déficience intellectuelle font que peu de personnes peuvent lire et donc avoir accès à leurs droits, notamment se référer à la charte des droits et libertés de la personne accueillie, article 8 de la loi du 2 janvier 2002 et mentionnée à l’article L 311- 4 du Code de l’Action sociale et des Familles. Certaines institutions ont traduit cette charte en « facile à lire et à comprendre » ou l’ont étayée d’images et de pictogrammes symbolisant son contenu. Malgré tout, il est souvent difficile à une personne avec une déficience intellectuelle de faire accepter à son entourage ou aux professionnels qui l’accompagnent qu’elle ne veut pas, comme elle en a le droit, de ce qu’on préconise pour elle ; qu’elle renonce à telle ou telle activité pour laquelle elle s’était engagée ou qu’elle refuse de signer le contrat de séjour, car l’établissement choisi pour elle ne lui convient pas. Cela créé des tensions chez les accompagnants tant ce qu’ils proposent est pensé a priori et unilatéralement, « bon » pour la personne. 

Les conséquences de la déficience intellectuelle impactent divers domaines de la vie, soit d’une manière directe comme les difficultés à comprendre une situation, soit d’une manière indirecte quand les altérations ont des effets délétères sur les relations sociales et l’inscription dans la vie de la cité, comme les problèmes pour se faire des amis ou s’inscrire dans une activité avec des personnes ordinaires.

Nous allons évoquer quelques effets de la déficience intellectuelle sur la vie quotidienne. Bien sûr la liste n’est pas exhaustive et nous le répétons, les conséquences de la déficience intellectuelle sont très différentes d’une personne à l’autre rendant inopérante toute généralisation.

Conséquences sur la communication 

La déficience intellectuelle peut entraîner des difficultés à s’exprimer, à trouver ses mots, à faire des phrases, à comprendre certains termes et donc ce que dit l’interlocuteur ; des difficultés de prononciation, d’articulation dues à des problèmes physiques qui font que l’interlocuteur la comprend mal ; des difficultés à appréhender des idées, des notions abstraites. La personne peut renoncer à s’exprimer, car l’effort pour le faire est trop intense et qu’elle se décourage, son interlocuteur ne prenant pas suffisamment de temps pour l’écouter.

Conséquences sur la prise en compte de soi

La personne avec une déficience intellectuelle peut avoir des difficultés à prendre en compte son hygiène ou à veiller à son apparence, soit qu’elle n’ait pas conscience de l’importance de l’hygiène pour sa santé ou pour son intégration sociale, soit qu’elle rencontre des obstacles physiques qui l’empêchent de réaliser sa toilette et de s’habiller correctement (problèmes de schéma corporel, de coordination des mouvements, paralysies, polyhandicap, etc.), soit que des apprentissages n’aient pas été faits durant son enfance.

 Nous avons rencontré beaucoup de personnes en situation de handicap mental avec d’importants problèmes dentaires. Elles n’avaient pas appris à se brosser les dents ou ne le faisaient pas correctement et refusaient de se laisser soigner. D'autres n’arrivaient pas à se laver les pieds ou le dos.

Le souci de son apparence peut être problématique, les personnes n’ayant pas toujours conscience de l’effet que peut produire sur autrui une tenue ou une toilette négligées. L’estime de soi joue un grand rôle dans l’entretien personnel. Beaucoup de personnes se négligent, car elles pensent qu’elles ne valent rien, le regard des autres ayant toujours été dévalorisant. Alors à quoi bon soigner son apparence ? Le rôle de l’accompagnant est primordial pour étayer la personne dans son effort de socialisation. Il sera dans un rôle de passeur entre la personne et la société, aidant l’environnement à accepter la différence, mais aussi la personne à respecter les usages et les normes de sa société d’appartenance.

Conséquences sur l’entretien domestique

Les personnes avec une déficience intellectuelle peuvent avoir des difficultés à entretenir leur espace privé, qu’elles vivent à domicile ou en établissement. L’entretien du linge peut être problématique quand on ne discrimine pas le propre du sale ou qu’on ne comprend pas le fonctionnement d’un lave-linge. La surprotection de ces personnes peut avoir des effets néfastes sur les apprentissages liés à la vie quotidienne dans la mesure où l’on va souvent faire à leur place, réduisant d’autant leurs possibilités d’apprendre.

Conséquences sur la vie en société

Vivre en société c’est pouvoir exister aux yeux des autres, communiquer, lier des amitiés, aimer, désirer, aller à l’école, se former à un métier, trouver un emploi, avoir accès aux différentes ressources concernant ses droits, ses loisirs, sa santé, sa sécurité, pouvoir interpeller, demander de l’aide, apporter son aide, son soutien, etc. Tout cela est difficilement atteignable pour la personne avec une déficience intellectuelle, car les obstacles sont nombreux : difficulté pour s’exprimer, lire et compter, mauvaise compréhension des situations et des enjeux relationnels, etc. La personne, si elle n’est pas accompagnée, se retrouvera très isolée, sans avoir accès à ce que permet d’habitude la vie sociale.

Conséquences sur la scolarité

La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des chances, de la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dispose que le service public d’éducation doit veiller à l’inclusion scolaire de tous les enfants, sans distinction. C’est l’école qui doit adapter l’environnement aux besoins particuliers de l’élève[16]. Les élèves en situation de handicap sont scolarisés dans le premier ou le second degré, soit en classe ordinaire, soit en unité localisée d’insertion scolaire (ULIS). Ceux qui ne sont pas acceptés à l’école sont scolarisés en milieu hospitalier pour une faible part, ou dans un établissement médicosocial (IME, Impro). Les élèves avec des troubles intellectuels et mentaux sont surreprésentés en ULIS. Ils semblent avoir plus de problèmes à suivre une scolarité ordinaire que les enfants avec d’autres handicaps (moteurs, sensoriels).

Conséquences sur l’accès à un emploi

Si les personnes avec un handicap moteur ou sensoriel ont de plus en plus accès à un emploi ordinaire, cela ne se vérifie pas pour les personnes avec une déficience intellectuelle qui ont très peu accès à un emploi dans le milieu ordinaire. Elles travaillent essentiellement dans des structures protégées, établissements ou services d’aide par le travail (ESAT) ou entreprises adaptées (EA). Les ESAT sont des établissements du secteur médicosocial. Les personnes qui y travaillent ne sont pas considérées comme des salariés mais comme des usagers. Cependant, le droit des travailleurs en ESAT rejoint celui des travailleurs en entreprise ordinaire. Depuis le 1er janvier 2024 les travailleurs d’ESAT ont le droit de faire grève, d’adhérer à un syndicat ; une partie de leurs frais de transport est prise en charge par l’ESAT. Depuis le 1er juillet 2024 ils ont droit à une complémentaire santé. Les ESAT sont financés à 80 % par l’État. Les personnes sont rémunérées sur la base de 55 % du SMIC[17]. Les missions des ESAT sont d’accompagner les travailleurs et les aider à garder leurs acquis scolaires et professionnels. Les EA quant à elles, s’autofinancent à 80 %. Les personnes qui y travaillent sont salariées et sont payées à partir du SMIC[18].

Parmi les obstacles rencontrés par les personnes avec une déficience intellectuelle pour travailler dans le milieu ordinaire, il y a les difficultés à comprendre des consignes complexes, à mémoriser, à lire, à pouvoir prendre des décisions ; une autonomie et un rendement plus faibles que ceux d’une personne ordinaire ; des difficultés à appréhender le temps et à contrôler leurs émotions, des difficultés à transférer leurs connaissances à d’autres situations ou à un poste différent ; le manque de qualification et de formation. Cependant cela peut être surmonté grâce à un accompagnement adéquat.

Déficience intellectuelle et relation à l’autre

Pour Marcel Nuss: « […], toute relation est un jeu de miroir et, donc, pour aimer l’autre il faut se reconnaître un tant soit peu dans ce miroir. Or, il est difficile de se reconnaître dans un miroir opacifié par trop de mal-être et de dévalorisation[19]»

La naissance d’un enfant atteint d’une déficience est un bouleversement pour les parents, mais aussi pour l’enfant. Le handicap signe l’échec de la volonté de tout expliquer et de tout guérir. L’annonce du handicap est un moment d’effroi pour la famille, un moment où la vie bascule : « Ce n’est pas possible ! Il s’agit d’une erreur de diagnostic. Pourquoi notre enfant ? Pourquoi nous [20] ?» Les parents ne peuvent oublier les paroles gênées des médecins, dites trop vite, sans suffisamment de précautions. Les premiers contacts de la mère et du père avec l’enfant sont très importants, mais bien souvent le bébé est éloigné des parents et l’annonce du handicap est faite sans que la mère ait pu le prendre dans ses bras.

L’annonce du handicap devrait se faire à la famille élargie et en présence du bébé, afin qu’une solidarité familiale s’installe et que les parents ne se retrouvent pas seuls[21]. L’annonce du handicap est un moment clé dont les effets durent longtemps. Si pour de nombreux parents, il est difficile de se reconnaître dans cet enfant si différent, d’autres instaurent une relation symbiotique avec leur enfant, la place du tiers devenant alors impossible et l’enfant ne pouvant prétendre à aucune autonomie.

 

[1] R. Perron, L’intelligence de l’enfant et ses troubles, Dunod, 2004, p. 138-139.

[2] P.H. Wood, Comment mesurer les conséquences de la maladie, la classification internationale des infirmités, incapacités, handicaps, chronique OMS, 1980, p. 34 et 400-405.

[3] J.C. Juhel, La déficience intellectuelle, connaître, comprendre, intervenir, les Presses de l'Université, 1997.

[4] E. Pannetier,  Comprendre et prévenir la déficience intellectuelle, éditions Multimondes, 2009,  p. 5.

[5] http://www.ctnerhi.com.fr/ccoms/pagint/2005_CIFglobal_revu_au_250707.pdf, consulté le 22 juin 2011.

[6] Vincent Des portes, Delphine Héron, « Troubles du développement intellectuel », in  Revue contraste n° 51,  Érès, 2020,  p. 91 à 117.

[7] H. Lehalle, D. Mellier,  Psychologie du développement, Dunod, 2005.

[8] J.L. Paour, Une conception cognitive et développementale de la déficience intellectuelle, in S. Lebovici, R. Diaktine, M. Soulé, Nouveau traité de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, vol.4, PUF, 1985.

[9] H. Lehalle, D. Mellier,  Psychologie du développement, Dunod, 2005, p. 305.

[10] R. Perron, L’intelligence de l’enfant et ses troubles, Dunod, 2004,  p. 162.

[11] Jean Piaget, La psychologie de l’intelligence, Armand Colin, 2012,  224 pages.

[12] R. Perron, L’intelligence de l’enfant et ses troubles, Dunod, 2004,  p. 162.

[13] Éric Plaisance, Autrement capables,  École, emploi, société,  pour l’inclusion des personnes handicapées, Éditions Autrement, 2009.

[14] Évelyne Pannetier, Comprendre et prévenir la déficience intellectuelle,  Éditions Multimondes,  2009,  p. 36.

[15] R. Perron,  L’intelligence de l’enfant et ses troubles, Dunod, 2004,  p. 138-139.

[16] https://www.education.gouv.fr/la-scolarisation-des-eleves-en-situation-de-handicap-1022

Consulté le 12 octobre 2020.

[17] https://travail-emploi.gouv.fr/droit-du-travail/handicap-et-travail/article/esat-etablissements-ou-services-d-aide-par-le-travail. Consulté le 20 février 2020.

[18] https://www.unea.fr/quest-ce-quune-entreprise-adaptee. Consulté le 20 février 2020.

[19] Marcel Nuss « Altérité et handicap » in La vie psychique des personnes handicapées, Direction Simone Korff-Sausse, Érès, 2012,  p. 23.

[20] Charles Gardou, Parents d’enfants handicapés, Érès,  2012, p.15.

[21] Simone Korff-Sausse, Le miroir brisé, Librairie Arthème Fayard, 2009.

 

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